26 January 2023
La Tome des Bauges AOP, fromage du terroir savoyard
Moins connu que ses voisins du Mont Blanc, du Beaufortain ou de Chartreuse, le Massif des Bauges gagne à être découvert ! Ce massif de moyenne montagne, situé entre Chambéry,…
Evoquer la langue d’un pays, c’est souvent revenir aux fondamentaux : le partage, l’histoire d’un lieu, les coutumes, la vie quotidienne, les travaux dans les alpages, le ciel et les paysages enneigés, la forêt ou la cuisine populaire. Avec le patois, on imagine l’enfance de nos ancêtres et les grandes veillées au coin du feu. Le patois n’est pas adapté au monde d’aujourd’hui mais quelques mots et expressions subsistent et sont parfois utilisés comme des drapeaux de l’identité culturelle savoyarde.
En Savoie ou en Haute-Savoie, vous entendez parfois des expressions ou des mots aux sonorités étranges. En montagne, quand les vacanciers arrivent, on les égratigne facilement en les traitant de « monchus ». Si ce nom désignait les premiers touristes au 19ème siècle, littéralement les « bourgeois », les « messieurs de la ville », c’est aujourd’hui beaucoup moins sympa. Le monchu est celui qui arrive en terrain conquis et qui cherche à en imposer. On le reconnait parce qu’il porte ses skis, les spatules à l’arrière. Un peu hautain, pas vraiment bienveillant avec les autochtones. Le moins qu’on puisse dire c’est que ce n’est pas un compliment ! Quand il repartira, il sera gratifié d’un « Arvi pa », un au revoir bruyant qui peut alors signifier « bon débarras » ! Heureusement le patois n’est pas toujours aussi radical. Les mots sont souvent imagés et l’humour n’est jamais très loin.
Un des plus drôles est « époulaillé ». L’image est claire et vous impose d’imaginer une poule dont le poulailler est visité par le renard… On pourrait dire par exemple « Tous ces monchus sont époulaillés à l’idée de voir tomber trop de nê avant d’aller ouinler dans les varosses.”
Le patois et ses mots savoureux n’est pratiquement plus parlé nulle part en Savoie. Il reste pourtant de nombreuses traces des expressions, dans des patronymes et dans des toponymes. L’histoire du patois est évidemment ancienne et liée aux gens des montagnes et des campagnes qui continuaient à parler patois entre eux, même quand, dès le XVIe siècle, les actes administratifs furent rédigés en français. Et puis, un peu plus tard, quand l’école devint obligatoire, l’usage du français le devint aussi.
Le patois dit franco-provencal était une langue parlée et non écrite, qui variait de vallée en vallée. C’est toujours le cas et le patois de la Vallée de Chamonix n’a rien à voir avec celui du Beaufortain ou de Tarentaise.
Cette langue qui n’est ni du provençal (autrement dit de l’occitan), ni du français, ni d’ailleurs un mélange des deux, est défendue par quelques irréductibles qui y voient un patrimoine à préserver.
Dans tout le sud-est, en Savoie, dans le Lyonnais, la Bresse, la Vallée d’Aoste, la suisse romande, on parlait le franco-provençal. Comme on parlait la langue d’oil au nord ou la langue d’oc au sud. Certains l’appellent l’« arpitan », un mot créé à partir de la racine arp qui signifie « alpage » et qui figure dans beaucoup de noms locaux, comme Arpettaz, Arpeyron … ) La langue savoyarde est donc plus qu’un simple patois. C’est une vraie langue qui s’est développée à partir des parlers des premiers habitants de la région et qui s’est enrichie au fur et à mesure de l’arrivée de populations nouvelles.
Le patois savoyard est avant tout une langue parlée et comme beaucoup de patois, elle est très liée aux images.
Le plus bel exemple est celui de la neige. En français, il existe peu de déclinaisons de ce mot. Mais en patois savoyard, selon qu’on parle de la neige de février ou de celle du printemps, les mots ne sont pas les mêmes. La langue est en lien très étroit avec le quotidien et la vie des gens. Toutes les nuances de la neige sont présentes dans le vocabulaire, selon qu’elle soit dure, poudreuse, soufflée, fondante ou gelée. Le vocabulaire est précis et permet d’aller droit au but ! Un peu comme chez les inuits ou les lapons : parler peu mais parler pour se faire comprendre. Dans le Beaufortain, on fait dans la nuance. La « nê molliaz » n’est pas la « nê dura »…Entre les deux neiges, les images parlent d’elles-mêmes, il y a celle où l’on s’enfonce jusqu’aux genoux et l‘autre sur laquelle on glisse !
Le patois est aussi la langue des lieux-dits. La plupart viennent directement du patois, Molliezsoullaz (zone humide qui mouille les souliers), le Mollard (talus), le Plan (plat), les Mouilles (terrain marécageux)… Même les noms de famille sont inspirés des lieux. Combaz évoque un vallon, Bordaz une ferme, Perrollaz un lieu pierreux.
Le patois est aussi un langage de fête et de partage. On parlait le patois quand on se retrouvait. Les anciens l’affirment haut et fort, « quand on tuait le cochon, il n’y avait aucun mot français ». CQFD…
Le patois, même s’il n’est plus beaucoup parlé, renait de ses cendres et les jeunes s’y intéressent, comme un trait d’union joyeux et vivant entre les générations. Il y a quelques années, un album de Tintin a même été traduit en arpitan savoyard ! L’Aliance Culturèla Arpitana a lancé l’album L’afére Pecârd, traduction de L’affaire Tournesol en arpitan. Dans cette aventure de Tintin, le héros parle patois, avec des tournures empruntées en particulier à la région de Thônes.
Il fallait oser !
Catherine Claude / Axiuba Communication